Pierre 
Desproges
et 
l'espéranto

en espéranto


Extrait du "Dictionnaire superflu à l'usage 
de l'élite et des bien nantis" (1985)


Lettre
(noms propres) 
Zamenhof :

Zamenhof (Lejzer Ludwik), médecin et linguiste polonais, né à Bialystok (1859-1917). On lui doit l'invention de l'espéranto.
Tout le monde s'en fout et c'est dommage. Quand on sait qu'à la base de tous les conflits, de toutes les haines, de toutes les guerres, de tous les racismes, il y a la peur de l'Autre, c'est-à-dire de celui qui ne s'habille pas comme moi, qui ne chante pas comme moi, qui ne danse pas comme moi, qui ne prie pas comme moi, qui ne parle pas comme moi ; quand on sait ces choses, dis-je, on est en droit de se demander si, par dessus les têtes couronnées des potentats abscons qui nous poussent au massacre tous les quatre printemps, l'usage d'une langue universelle ne saurait pas nous aider à résoudre nos litiges et à tolérer nos différences avant l'heure imbécile du fusil qu'on décroche et du clairon qui pouète. Enfin. Bon. Utopie.

Lejzer Ludwik Zamenhof est mort à Varsovie le 5 septembre 1917, dans des circonstances dramatiques. Il n'est pas trop fort de dire qu'il est mort pour l'espéranto. Ce jour-là, il descendait la Vistule. Un alligator, d'autant plus désagréable qu'il s'emmerdait tout seul (la proportion d'alligators par habitant en Pologne n'atteint pas zéro pour mille), fit volontairement chavirer son frêle esquif dans les eaux troubles et glauques. L'Alligator, qui ne savait pas nager, coula à pic. Quant à Zamenhof, c'est en vain qu'il appela à l'aide les nombreux pêcheurs à la ligne témoins du drame. Aucun de ces braves hommes ne parlait l'espéranto. Aucun ne comprit que le vibrant "Au secouro !" poussé par Zamenhof signifiait "Au secours!". Ainsi, alors que d'autres, comme la marquise de Pompadour, réussissent une carrière grâce au maniement d'une langue, Lejzer Ludwik Zamenhof mourut d'avoir voulu montrer la sienne à tous les passants.

Aujourd'hui, Zamenhof repose à l'ombre d'un grand cyprès dans le cimetière juif de Varsovie. Pourquoi au cimetière juif, alors que, de notoriété publique, il était plus catholique qu'un essaim d'intégristes? Parce que Zamenhof, jusqu'au bout fidèle à son idéal, avait exigé que l'adresse de sa dernière demeure figurât en espéranto sur le couvercle de son cercueil. Pour un croque-mort polonais, hélas, l'espéranto, c'est de l'hébreu.

Pierre Desproges


Remarque : ce texte humoristique est bien sûr quelque peu éloigné de la vérité sur la vie de Zamenhof, de même que les alligators savent en général nager et n'abondent pas en Pologne ! 

Pour en savoir plus vous pouvez lire le livre "L'homme qui a défié Babel", biographie de Zamenhof écrite par René Centassi et Henri Masson, disponible en français et en espéranto chez l'éditeur L'Harmattan.


Sketch sur l'espéranto
de la minute nécessaire de monsieur Cyclopède

Retranscription du sketche titré 
"Ouvrons les fenêtres (premier volet)" 
issu de l'émission "La minute nécessaire 
de monsieur Cyclopède" de Pierre Desproges :


 
Cyclopède : Ce soir, exceptionnellement, en hommage à l'inventeur de l'espéranto, le docteur Pierre Brouchard, dont nous fêtons aujourd'hui le centenaire de la naissance de la soeur, nous allons observer ensemble une seconde de silence.

(une seconde)

CYCLOPEDE : Merci.
Avant l'invention de l'espéranto, le barrage de la langue constituait une inépuisable source de discorde entre les hommes. Rappelez-vous.

(Deux petites tables bistrot)

FEMME (sort cigarette de son sac, cherche feu, ne trouve pas. S'adresse au voisin lisant journal. Elle a cigarette à la main) : Puis-je vous demander du feu s'il vous plaît?

HOMME (après avoir regardé sa montre) : La cinquo de la tarde, signora.

FEMME : Quel imbécile!

CYCLOPEDE : Aujourd'hui, grâce à l'espéranto, nous pouvons allègrement enjamber les odieuses frontières du langages. 
Regardez bien.

FEMME : Puis-je vous demanda du feuti, s'il vous plo?

HOMME : Ah! désolé, j'ai pas mes allumetti.

FEMME : Quel cono!

CYCLOPEDE : Etonni, na?



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